mardi 30 août 2016

Et tu n'es pas revenu.



J'ai lu ce livre en un peu plus d'une heure, 107 pages, c'est un document, pas un roman. Je ne l'ai pas posé une seule fois.

Je suis née fin 1942, en plein milieu de la guerre, mais évidemment je n'ai aucun souvenir, seuls ceux que ma mère racontait plus tard et ils étaient rares, mon père a fait la guerre mais il n'en parlait pas, comme souvent les hommes occultent cette période, la raison ? Je devine un peu. Il n'a jamais parlé des camps, mais est-ce qu'il savait lorsqu'il était au front ?
Il y a depuis eu des multiples témoignages, livres, films, documentaires, personne ne peut ignorer ce génocide, ce n'est pas "un détail de l'histoire" comme a dit un homme tristement célèbre.

Le livre de Marceline Loridan-Ivens est un témoignage absolument bouleversant, elle a été déportée en même temps que son père, elle est revenue, lui non.
Dans ce livre, elle s'adresse à son père. Elle avait quinze ans lorsque les nazis ou les collabos sont venus les chercher dans leur château de Bollène, seuls le père et la fille ont été capturés, les autres se sont cachés.
Auschwitz-Birkenau, Mauthausen, Gross-Rosen, des lieux sinistres. 76.500 juifs de France ont été déportés vers Auschwitz, 2.500 sont revenus.

Son père avait réussi à lui faire transmettre un petit mot, elle a tout oublié très vite, il devait la supplier de vivre, elle se souvient très bien de la tomate et de l'oignon qu'il lui avait glissé à la faveur d'une rencontre, ils s'étaient croisés en allant travailler, manger était plus important que les mots.
Là-bas elle se fera une amie, Simone, on devine vite qu'il s'agit de Simone Veil, cette femme qui sera ministre et qui même plus tard continuera à chiper les petites cuillères dans les cafés, un réflexe pour ne pas avoir à laper sa soupe comme dans les camps.

Le retour en France sera douloureux, comment faire comprendre aux autres qui  la plupart du temps ne veulent pas écouter, toutes les souffrances subies. Comment se reconstruire ? Le camp est dans leur tête jusqu'à la mort.
"J'ai en horreur la chair et son élasticité. J'ai vu là-bas s'affaisser les peaux, les seins, les ventres, j'ai vu se plier, se friper les femmes, le délabrement des corps en accéléré, jusqu'au décharnement, au dégoût et jusqu'au crématoire..."

Marceline se mariera deux fois, son deuxième mari s'appellera Joris Ivens, un cinéaste avec qui elle travaillera jusqu'à la mort de ce dernier, un grand amour, un membre de sa famille lui avait dit un jour "Finalement, tu avais épousé ton père." Ce n'était pas tout à fait vrai, il avait l'âge de son père.

Je suis née fin 1942, ma génération a eu la chance de pas connaître une grande guerre, mais l'angoisse me saisit souvent depuis quelques mois, une autre guerre se profile.
Marceline écrit :
"Aujourd'hui, j'ai la gorge serrée. Je m'emporte souvent.Je ne sais pas me détacher du monde extérieur, il m'a enlevée lorsque j'avais quinze ans. C'est une mosaïque hideuse de communautés et de religions poussées à l'extrême. Et plus il s'échauffe, plus l'obscurantisme avance, plus il est question de nous, les juifs. Je sais maintenant que l'antisémitisme est une donnée fixe, qui vient par vagues avec les tempêtes du monde, les mots, les monstres et les moyens de chaque époque....."

Nous ne devrions jamais oublier, Il faut absolument lire ce témoignage. C'est un texte magnifique, douloureux, 
Ce n'est pas facile de trouver des mots pour vous inciter à lire ce document, les mots ne sont que des mots, ils peuvent transmettre de l'émotion ou pas.

Bye MClaire.