mardi 20 février 2018

Jean Teulé "Entrez dans la danse"








Jean Teulé, auteur de bandes dessinées, chroniqueur à la télé, scénariste, romancier et pour la petite histoire il est depuis quelques années, le compagnon très discret de la comédienne Miou-Miou 

J'ai lu quelques livres de J.Teulé, le premier "Darling" et deux ou trois autres, mon préfèré "Le Montespan" j'avais adoré l'histoire de ce cocu magnifique, la couverture du livre raconte l'histoire


Lire Jean Teulé c'est accepter de rentrer dans l'histoire sans être choqué, sinon il vaut mieux éviter, le langage est quelquefois cru, il n'aime pas les curés, une écriture originale. Une culture extraordinaire, on apprend beaucoup.

Pour écrire "Entrez dans la danse" il s'est inspiré d'une histoire vraie, la folie s'empare des habitants des quartiers pauvres, les gens dansent, se trémoussent sans arrêt dans les rues, nous sommes en 1518, la famine règne à Strasbourg, plus d'eau, Enneline noie son enfant tout juste né, elle n'a plus rien pour le nourrir, l'infanticide rentre chez elle complètement accablée et son mari lui dit :
"Enneline, en ces temps où le malheur et le poil poussent davantage que l'herbe, tu n'avais plus de lait. On n'aurait pas pu le nourrir. Et puis c'est mieux que de l'avoir mangé comme d'autres le font" Top, top, top, top...
"Enneline ne répond rien. Les fesses sur un banc, près d'une presse de graveur, elle  tapote longuement en rythme, du bout des ongles, le rebord de l'appareil à imprimer -top, top, top -puis se lève..."
La danse commence dans la rue, ils sont de plus en plus nombreux à danser jour et nuit, jusqu'à l'épuisement, jusqu'à la mort.
Le maire de Strasbourg ne sait plus à quel saint se vouer, il demande à l'évêque d'ouvrir ses greniers, de ne plus s'enrichir sur le dos des pauvres, en vain..L'évêque est plein de morgue, méprisant, comme ces bourgeois bien gras qui ne supportent pas les affamés qui dansent.
"Allez-vous, vider vos couvents regorgeant de victuailles, bière, blé, et enfin les offrir pour assurer la subsistance de la population, Monseigneur ?"
Il raconte aussi l'arrivée de Luther, annonciateur du protestantisme, l'évêque ne veut pas y croire. 
Cinquante quatre-ans plus tard, c'était la Saint-Barthélémy.


La force de Teulé est de toujours mettre une touche d'humour dans le récit, de raconter cette "teuf" géante avec ses mots, sans que nous n'ayons jamais envie de refermer le livre. Un vrai talent de conteur pour nous faire revivre cette tragique période du début de la Renaissance. J'entendais les sabots battre les pavés de Strasbourg, top, top, top, top.

Enneline et Melchior sont vraiment émouvants, ils s'aiment, la dernière phrase de Melchior à la fin du livre :
"Plus de rythme Enneline. Je ne sais pas comment on va s'y prendre mais on s'en sortira"

Il a enfin plu sur Strasbourg.

J'ai aimé lire ce roman qui n'est pas tout à fait un roman, l'érudition de J.Teulé est éblouissante;
Je ne peux pas le conseiller, c'est à vous de juger, il peut vous irriter, vous pouvez ne pas y croire, c'est pourtant ce qui est arrivé aux habitants de Strasbourg en 1518.

Bye MClaire.