vendredi 31 janvier 2014

"Réparer les vivants" de Maylis de Kerangal.



Deux gazettes dans un laps de temps si court c'est assez rare, j'ai très envie de vous faire partager très vite mon coup de coeur qui a surtout été un coup de poing en lisant le bouquin de Marlys de Kerangal "Réparer les vivants."

Je suis allée l'acheter après les infos de 13h, Elise Lucet recevait l'auteur et la journaliste avait l'air emballée par le roman, elle était vraiment émue. Maylis de Kerangal a 48 ans, elle a déjà écrit quelques romans dont "Naissance d'un pont", j'ai lu ce roman au moment de sa sortie, j'avais trouvé son écriture originale, mais je n'avais pas été emballée par l'histoire, juste curieuse d'aller jusqu'au bout.
"Réparer les vivants" m'a captivée, j'en suis sortie K.O. En général, dès que je finis un livre j'en ouvre un autre, là non, j'attends, la même impression que "Le quatrième mur",  les autres me sembleraient fades si je devais les lire tout de suite, rien ne m'y oblige, je laisse le temps faire son oeuvre, il faut digérer avant d'entamer une autre histoire, attendre que les émotions ressenties s'effacent.

C'est l'histoire d'un don d'organes, la transplantation dans le corps des autres d'organes qui doivent les sauver, le désespoir de ceux qui doivent dire "Oui, je veux bien." alors qu'ils sont écrasés par le chagrin, ne savent plus où ils en sont parce que tout leur semble irréel.

Le roman commence sur une planche de surf, trois jeunes cherchent la vague qui leur procurera une sensation unique. C'est en février, il fait froid, l'auteur est très technique dans la description du moment où le corps s'infiltre dans la vague, c'est le "take off", moment où tout se concentre. Les trois jeunes gens sont arrivés sur la plage à l'aube en van, ils repartent heureux mais fatigués, deux d'entre eux sont attachés, Simon ne l'est pas et c'est l'accident, terrible pour Simon, sa tête heurte le pare-brise, traumatisme crânien sévère, les deux autres seront blessés.
A partir de ce moment se joue une course contre la montre, non pas pour le sauver, plus rien n'est possible, mort cérébrale, seul le coeur bat parce que la machine le fait battre. L'arrivée des parents à l'hôpital, ils sont reçus par Thomas coordinateur des greffes, Thomas si humain qui droit trouver les mots justes, saisir la faille pour poser la question : "Votre fils est-il inscrit au registre national des refus de dons d'organes? Ou savez-vous s'il avait exprimé une opposition à cette idée, s'il était contre?"
Le père répond "Dix-neuf ans, il y a des garçons de dix-neuf ans qui prennent des dispositions au sujet de, pour, ça existe?"

Thomas comprend qu'ils sont décidés à dire oui à partir du moment où ils parlent de leur fils à l'imparfait, mais Thomas refuse de faire jouer la corde sensible il ne veut pas être l'agent d'un chantage muet, il attend que la question "On prélève quoi?" soit posée, les parents ne veulent pas qu'on touche aux yeux de leur fils, pas la cornée, les yeux sont "les capteurs vivants de son corps."

L'auteur met aussi en scène les protagonistes du roman, les médecins, les chirurgiens, une infirmière de la réa., nous livre des petits bouts de leur vie privée. Thomas aime les chardonnerets, nous partons avec lui à Alger pour l'achat d'un chardonneret, une bouffée d'air dans ce roman si dense, quelques digressions qui font que nous pouvons poursuivre notre lecture sans avoir le visage inondé de larmes.
En lisant j'étais Marianne, cette maman crucifiée qui doit accepter la mort de son enfant et faire preuve d'une incroyable générosité en acceptant que son fils soit vidé de son coeur, de ses poumons, de ses reins et de son foie. Qu'aurions-nous fait à sa place? La question est toujours là.

Il y a tout le travail collectif effectué par les équipes. Maylis de Kérangal a dû s'immerger dans le fonctionnement d'un hôpital, passer du temps avec tous les soignants, elle a une écriture si précise pour décrire les gestes, tout le processus qui précède la transplantation. Il y a du lyrisme mais en même temps elle est très scientifique, la ponctuation de ces phrases est toujours bien placée, une façon d'écrire vraiment originale

Les dernières pages du livre sont consacrées à la transplantation. Si vous n'avez jamais subi une grosse opération vous serez sans doute moins ému que moi, j'ai retrouvé tous les gestes, les émotions ressenties avant d'arriver à la salle d'opération, tout est juste, les douches à la bétadine, le brancardier qui saisit votre lit pour lui faire parcourir des couloirs interminables, vous ne voyez que le plafond et vous commencez à grelotter parce que la peur s'installe, les perfusions suspendues, mes bras qui avaient été tant sollicités pendant huit jours avant de pouvoir m'opérer, 40 flacons d'antibiotiques, ils ne savaient plus où piquer, les bras si douloureux, on vous met dans un coin d'une pièce pour attendre, seule "On va venir vous chercher", vous gambergez même si la petite pilule qui doit vous calmer commence à faire son effet. Le chirurgien, l'anesthésiste, les infirmières qui s'agitent autour de vous avant de sombrer dans le sommeil profond. Tout est décrit avec précision, sauf que moi ce n'était pas un coeur qu'on allait me greffer, ma vie n'était pas suspendue à ce coeur qu'il fallait faire repartir, Claire la transplantée va être sauvée grâce au coeur de Simon, ce jeune homme de 19 ans mort un dimanche matin sur une petite route de la Seine-Maritime.

Un livre magnifique sur le don d'organe, sur la symbolique du coeur, sur la douleur des parents qui perdent un enfant, écrit sans pathos dans un style éblouissant. 
Lisez-le, vous devez le lire.

Bye MClaire.

mardi 28 janvier 2014

La maison de l'atlantique - Philippe Besson.


J'avais commencé le livre de Philippe Labro, le sujet un peu récurrent l'assassinat de Kennedy, nous avons tant lu, tant entendu, tant regardé les images de Jacky qui rampait sur l'arrière de la voiture, je pensais qu'elle voulait s'enfuir pour échapper aux coups de feu, non d'après P.Labro elle voulait rassembler les morceaux du cerveau de son mari dans un geste désespéré, c'est vraiment tout ce que j'ai appris dans ce livre, le reste c'est vraiment du rabâché. C'est assez rare que je ne finisse pas un livre, là je n'ai pas pu aller jusqu'à la fin, je m'ennuyais grave comme disent les djeuns. Pourtant, en général j'aime bien Labro, son style un peu journalistique, concis dans son écriture. Je ne vous le recommande pas Ce n'est que mon avis..




Philippe Besson est un auteur prolifique,  il publie un livre par an, j'aime sa façon d'écrire, ses livres ne sont jamais des pavés, un style dépouillé compréhensible par tous.
J'ai lu "La maison atlantique" en cinq heures, d'un trait.
Je ne sais pas si Besson est pêcheur mais il a l'art d'hameçonner son histoire pour capturer le lecteur dès la première page, nous commençons le bouquin et nous ne le lâchons plus.

"La maison atlantique" est située à La Rochelle, la ville n'est jamais citée dans le livre mais on devine facilement. C'est l'histoire d'une tragédie dans un couple père et fils.
Un été le père décide de passer ses vacances avec son fils qu'il a délaissé. Il aime les conquêtes, l'argent, la notoriété, les femmes. Il s'est séparé de sa femme, la maman du jeune homme qui est le narrateur, elle s'est vraisemblablement suicidée dans cette maison de l'atlantique où le père espère une réconciliation avec son fils. Première maladresse, l'endroit est mal choisi.
Dès le début du bouquin nous devinons que ces vacances seront tragiques, rien ne se passe comme le père l'avait prévu, l'atmosphère est tendue, sans tendresse.
Arrive un jeune couple dans la maison voisine, Raphael et Cécile, ils sont beaux, jeunes, viennent se présenter et de suite le regard prédateur du père s'attarde sur la jeune femme.
Le fils comprend immédiatement ce qui se passera inévitablement, il va revivre les moments de son enfance, la souffrance ressentie en voyant sa mère désespérée, et là ça se passera dans la maison où elle est morte. Cette maison ne sera jamais celle du bonheur. Dans cette maison tout est ordonné mais rien n'est véritablement à sa place et l'absence de sa mère est vraiment trop lourde à porter, le ressentiment est prégnant. Ce "petit garçon" a grandi dans l'ombre d'une maman qu'il admirait, comment pardonner à un père absent, indifférent?

La chute est terrible, tragique c'est le mot qui s'impose tout au long de ce livre, la violence est contenue mais elle est sans cesse présente. Il y a aussi le soleil de juillet qui caresse les peaux, qui rend l'atmosphère sensuelle, les amours d'été, on se sépare pour ne plus se retrouver ou le pire arrive.

Je ne vais pas vous raconter toute l'histoire, il faut que vous la découvriez en lisant ce bouquin qui vous plaira, j'en suis certaine.

J'ai tout de suite pensé à "Bonjour tristesse" de Sagan, j'ai lu ensuite que Besson s'était un peu inspiré de l'univers de Sagan pour écrire son livre. J'avais raison, j'aime bien avoir raison, ne pas me tromper lorsque je lis.

Vous avez sans doute compris, j'ai beaucoup aimé ce livre, mais attendez peut être qu'une copine vous le prête (c'est ce qui s'est passé pour moi) ou l'emprunter à la bibliothèque, il est tellement vite lu. 

J'ai commencé " Réparer les vivants" de Maylis de Kerangal, là encore je me suis tout de suite passionnée pour l'histoire, cette fois-ci c'est moi qui vais le prêter. Je vous laisse pour le lire avec  la couverture polaire posée sur mes jambes, parce qu'aujourd'hui j'ai décidé de jouer la carte farniente à fond, pas de scrabble, que du repos, il paraît que j'ai meilleure mine qu'hier, c'est rassurant.

Bye MClaire.








vendredi 17 janvier 2014

Fouad Laroui "Une année chez les Français."



Il y a des livres qui sont des pépites, j'aurais pu passer à côté, mais Danièle l'avait acheté, 
il fallait absolument que je lise, elle est arrivée au club avec ce bouquin. Ce roman a été en lice pour le Goncourt et publié en livre de poche en 2011.
Son auteur Fouad Laroui est marocain, professeur de littérature à l'Université d'Amsterdam, poète, économiste, un homme aux multiples dons comme son héros Mehdi, cet enfant de 10 ans qui est sans doute son double.

J'ai aussi aimé ce bouquin parce qu'il m'a sans cesse fait penser à mon enfance, mes années en pension, j'avais l'impression d'y être, les même impressions, le même sentiment d'abandon en arrivant pour la première fois dans la cour du lycée Alphonse Daudet à Miliana, l'enfant qui découvrira ce que sera son monde pendant des années, les odeurs de soupe du réfectoire, le dortoir qu'il fallait partager, les pionnes qui nous surveillaient et qui ne se privaient pas de faire des réflexions blessantes, et surtout savoir que pendant des semaines nous ne retournerions pas chez nous. J'habitais trop loin, 100 km à cette époque en Algérie c' était le bout du monde, mon père n'avait pas de voiture, même pas de permis, il l'a eu plus tard.

Mon lycée.





Contrairement à Mehdi j'avais une correspondante, c'était une tante de mon père qui habitait à deux pas du lycée, elle me sortait tous les dimanches, le temps du repas et à 17h retour à l'internat. Je n'avais jamais vu cette famille avant mes 10 ans, je me faisais toute petite, je baissais les yeux parce que je ne voulais pas manger les grains de caviar qui étaient dans mon assiette, ils étaient riches, nous ne l'étions pas.
Tout le temps que cette tante a vécue je retournais au lycée avec des friandises, lorsqu'elle est morte le régime n'a plus été le même, sa fille n'avait pas les mêmes élans de générosité. Je devais me contenter d'attendre les vacances scolaires pour retrouver les petites gâteries de la maison. J'étais très maigre, ma mère me bourrait d'huile de foie de morue pour me remplumer. Dans le livre Mehdi est aussi malingre, le hachis parmentier de la pension n'est pas facile à avaler, la cuisine marocaine de sa mère est meilleure. Il aime beaucoup le lait caillé, ma mère aussi aimait le lait caillé, pas moi.
Medhi est boulimique de lecture, comme moi depuis toujours, ce bouquin est aussi un hymne aux livres et aux auteurs. Le premier jour seul dans la cour, les autres ne sont pas encore arrivés, il cherche désespérément quelque chose à lire, une affiche fait son bonheur, mais il ne comprend pas la moitié des mots. Petite j'étais aussi toujours à la recherche de lecture, nous n'achetions pas mais il y avait la bibliothèque et j'ai eu la chance d'avoir une mère qui aimait lire. Chez Mehdi pas de livres, mais un instituteur qui l'ouvrait à la lecture. On ne dira jamais assez combien l'école doit être formatrice, éduquer, l'institutrice et l'instituteur étaient des personnages importants dans notre vie, respectés. Combien de personnages célèbres issus de milieux modestes sont arrivés tout en haut grâce à leur instituteur qui a su persuader les familles qui avaient besoin de bras de laisser le petit continuer ses études? Mehdi-Fouad a eu cette chance. L'école pouvait être un ascenseur social.

L'histoire de ce livre :

Les années 1968-70.
Ébloui par l'intelligence et la boulimie de lecture de son élève, un instituteur arrive à persuader la maman de Medhi d'envoyer ce dernier faire des études au prestigieux lycée Lyautey de Casablanca, il obtient une bourse.
L'enfant n'a jamais quitté le pied de l'Atlas, un vrai choc culturel, se produisent des situations cocasses, les mots des livres ne sont pas les mêmes que ceux qui sont employés par les pions, le proviseur, il ne comprend rien, se réfugie dans le mutisme. Sa mère n'a pas respecté les ordres du lycée en ce qui concerne le trousseau, pas de mouchoirs, pas de pyjamas, il se trouve affublé d'un pyjama rose, la honte. Les autres arrivent avec des valises pleines de chemises bien repassées. Son "pâtre onime" n'est même pas cousu sur ses vêtements, Mehdi ne sait pas ce qu'est un patronyme, ni une mine Pat Hibulaire.

Il ne sait pas qu'il sera le seul à rester en pension le week-end, personne ne viendra le chercher, jusqu'aux vacances de la Toussaint où le proviseur décide qu'il devra quitter le lycée, il faut lui trouver un correspondant, les parents de son meilleur ami, mais il n'a pas de meilleur ami, il donnera un nom au hasard, s'établira une grande amitié entre les deux enfants et les parents décideront de le prendre chez eux chaque week-end, ce sont des français, Medhi découvrira leur façon de vivre, de manger, de boire, il pourra lire à satiété, il y a beaucoup de livres dans cette maison.
Le petit "moutchou" du bled apprendra vite, se révélera le meilleur élève de sa classe, obtiendra le prix d'excellence. Sa mère est venue assister à la remise des prix, très fière de son fils, moment plein d'émotion, rencontre entre une mère en djellaba bleue et une française élégante qui lui parle de voie royale pour Mehdi, la maman ne comprend pas et pense que son fils sera roi un jour.
Là encore la scène de la remise des prix est exactement celle qui se passait dans la cour de mon lycée, l'estrade, les livres entourés d'un ruban "La vie de Jeanne d'Arc, l'Exploration de l'espace, Louis Pasteur bienfaiteur de l'humanité, les splendeurs de Versailles" les chaises pour les invités, pour les parents qui venaient nous chercher pour les grandes vacances, les valises étaient prêtes. Je n'ai hélas! jamais eu de prix pour les mathématiques, ni pour les sciences, des prix pour le français, l'histoire ou la géographie oui. Allergique aux chiffres pour toujours.
Mehdi est le meilleur en tout, il adore les maths, la littérature, le théâtre, il découvre Racine et sera encore le meilleur comédien jusqu'au jour où il découvre qu'il n'aura pas le rôle principal dans une pièce "fabriquée" par son professeur de théâtre du lycée, énorme déception, sentiment d'injustice, le héros doit être blond et lui est brun et frisé. Il ne voudra plus jouer.
Son rêve avoir la collection complète de "Tout l'Univers". Je ne sais plus ce que nous avons fait de la nôtre, Christian me dit qu'elle est au garage.


Lisez ce livre, 286 pages de bonheur, vous découvrirez la vie d'un enfant du Maroc qui un jour devra choisir entre ses origines et la vie que les Français lui ont offerte dans ce lycée Lyautey.
Il y a beaucoup de passages drôles, de la tendresse, vous comprendrez aussi pourquoi les deux mondes se côtoyaient mais ne se mélangeaient pas. j'aurais bien voulu être la correspondante du petit Mehdi, cet enfant si attachant. Ce livre est un bijou.
Ce livre a aussi été pour moi une occasion de revenir en arrière dans un pays qui n'est pas l'Algérie mais qui lui ressemble beaucoup, c'est très dur et de plus en plus dur avec l'âge de savoir que plus jamais nous ne retournerons dans un pays qui nous a vu naître, très dur d'être coupée de ses racines, des endroits de notre jeunesse, pour moi qui n'ai jamais eu de rancoeur, d'envie de revanche ni de colère. Bon, il vaut mieux ne pas y penser.

Bye MClaire.


lundi 13 janvier 2014

"Le monde comme il me parle" Olivier de Kersauson.

J'ai lu deux bouquins cette semaine :
"Le monde comme il me parle" d'Olivier de Kersauson sorti tout récemment et "Un très grand amour" de Franz-Olivier Giesbert, publié en livre de poche, un peu moins récent.





J'ai aimé lire les deux.

Olivier de Kersauson irrite souvent, il est souvent cynique, paraît misogyne mais ne l'est pas vraiment, joue le rôle du bougon à la radio ou à la télé, j'ai toujours l'impression qu'il joue son propre personnage, il fait du Kersauson.
J'avais lu son précédent bouquin Ocean's Songs, j'avais adoré. Celui-ci est complètement différent, il se livre davantage, ce n'est pourtant pas une autobiographie, il raconte peu de choses de sa vie privée mais beaucoup de sa façon de vivre sa vie "Le plaisir est ma seule ambition", sa philosophie de vie.
Le mensonge est impossible sur la mer, ce grand marin, un des plus talentueux avec Tabarly n'a pas pu vivre dans le mensonge lorsqu'il était confronté aux éléments, il n'a pas pu échapper à lui même, je le crois sincère dans ses propos. Il a toujours mené sa vie en toute indépendance, a compris très vite que pour avoir la paix il fallait faire croire aux autres qu'il était ce qu'ils voulaient qu'il soit tout en rêvant et ensuite en vivant la vie qu'il voulait, lui, sans s'occuper des autres.
Il s'est donné les moyens d'avoir ce luxe.

Evidemment, j'ai été un peu irritée en lisant qu'il fallait piloter sa vie, beaucoup d'entre nous n'ont pas les moyens de leur liberté, pour plein de raisons, financière, familiale etc...Il faudrait une grosse dose d'égoïsme pour décider de plaquer tout le monde, aller au bout du monde parce que nous pensons que c'est là que nous serons heureux. ll aurait fallu construire cette vie avant de s'engager sur un autre chemin, mais peu de jeunes savent très vite ce qu'ils veulent, ils se piègent seuls dans la routine, cette routine est leur bonheur ou au contraire l'amertume s'en mêle et il est trop tard parce que le système s'est emparé de leur vie, ils ne peuvent plus y échapper.
La force de Kersauson est qu'il a toujours pensé que la vraie vie est en mer, sa passion, il part et ne revient que pour "jouer les apparences." Il peut le faire sans aucun remords. Sa famille n'est pas sa priorité, il dit souvent qu'il les aime, mais à sa façon. Il prend des risques parce que pour lui la vie ne vaut rien sans ces risques, c'est une philosophie que tout le monde ne partage pas.
Mais en même temps il n'oblige personne à le faire, il s'en fout, la vie des autres ne l'intéresse pas. Il ne supporte pas la vie en groupe.
"Mais jamais je ne me permettrais de conseiller quiconque : ce serait indécent. C'est pourquoi à l'inverse, je n'accepte pas qu'on me dise ce que je dois faire. Ce que j'aime dans la vie c'est décider. J'ai voulu vivre ce que je sentais être ma vie. C'est lumineux. Et c'est simple."
Voilà, tout est dit.

Un moment d'émotion dans le livre "Ma mère est décédée il y a peu. Plus personne ne portera sur moi, un regard bienveillant. Ici, "bienveillant" signifie : quelqu'un qui veille avec l'envie du bien. Etre bienveillant, c'est aller chercher la part de merveilleux chez l'autre."

Ce solitaire est tout de même tombé amoureux d'une polynésienne, chose incroyable pour lui il s'est marié une deuxième fois, lui qui pensait ne plus jamais le faire. Il a 69 ans, il dit qu'avec l'âge il s'améliore dans ses rapports avec les autres, il navigue que pour son plaisir, sa vie se partage entre la Polynésie et Brest, là encore il s'est donné le luxe du choix. Chapeau, vous avez été un grand marin, un sacré bonhomme même si vous m'avez quelquefois irritée. 





J'aime beaucoup Franz-Olivier Giesbert, l'écrivain, le journaliste, je ne connais pas l'homme donc je ne peux pas juger, on ne dit pas toujours du bien à son sujet, il peut être cruel dans ses propos, tromper les autres en leur faisant croire qu'il est leur ami pour soutirer des renseignements qu'il utilisera ensuite dans ses articles ou dans ses romans.
Ce n'est pas le cas dans ce bouquin puisqu'il se met en scène, enfin il jure que ce n'est qu'un roman, il écrit "Tous les personnages de ce livre sont purement imaginaires, sauf l’amour, le cancer et moi-même.” Il reste quoi de fictif? Pas grand chose.

Antoine est journaliste, écrivain plus ou moins, il commence beaucoup de romans et il ne va jamais jusqu'au bout. Il tombe amoureux, épouse, trompe aussitôt, déprime lorsqu'il est largué alors qu'il a vraiment tout fait pour que l'autre le chasse, il pense toujours que la nouvelle femme le fixera, c'est celle qu'il cherche depuis si longtemps. Il ne paie pas les pensions alimentaires de ces nombreux enfants, a des amis célèbres tel que Julien Green avec qui il a des conversations passionnantes.
Antoine a besoin de l'amour pour se sentir vivant, il est toujours à la recherche de celle qui le fera planer, le temps passant il se lasse. Le sexe est très présent dans sa vie, il faut qu'il jouisse dans tous les sens du terme, il lui arrive même d'être atteint de priapisme en ayant une discussion avec Mitterrand qu'il admire,

Arrive la rencontre avec Isabella, plus jeune que lui, il tombera éperdument amoureux j'ai envie de dire comme toujours et quittera sa femme très riche pour Isabella qui n'a rien, il lui fera deux enfants. Un jour arrive l'impensable pour un homme si fier de sa virilité, le cancer de la prostate, il distribuait sa semence généreusement, va t-il pouvoir encore le faire? Un cancer virulent qu'il faut soigner très vite, là FOG ne cache rien, le traitement, les conséquences, les détails sont crus, presque gênants, les mictions fréquentes, les petits pissous comme il dit, et puis il y a la virilité retrouvée, mais Isabella choisira ce moment pour le quitter, elle souffre de phobies et la phobie du cancer de son mari l'atteint, elle partira.
Il déprimera une nouvelle fois mais cela ne l'aura pas empêché de tomber amoureux de son infirmière pendant son traitement et de la revoir. Inguérissable de l'amour.
L'homme peut nous paraître méprisable, pitoyable, il reste cependant paradoxalement attachant à cause de ces faiblesses, je le trouve même un peu maso dans ses réflexions, une femme n'oserait pas écrire des choses aussi intimes, lui ose, c'est assez rare cette impudeur chez un homme.

Il y a beaucoup d'humour dans ce bouquin, des larmes mais personnellement je n'ai jamais eu la larme à l'oeil. Il y a tout ce qu'il faut pour nous divertir, un livre agréable et tellement humain dans le sens que nous avons tous nos faiblesses.

Dimanche je rendais un bouquin prêté et la joueuse me disait qu'elle n'aimait pas FOG, elle n'était pas arrivée à lire "La cuisinière d'Himmler" que j'ai tant aimé. Nous n'avons pas tous les mêmes goûts de lecture, alors pour celui-ci ce sera sans doute la même chose, vous aurez sans doute une lecture différente de la mienne selon que vous serez un homme ou une femme.

Bye MClaire.



















lundi 6 janvier 2014

"Ainsi résonne l'écho infini des montagnes" Khaled Hosseini.


J'ai lu les deux précédents bouquins de Khaled Hosseini "Les cerfs-volants de Kaboul" et "Mille soleils splendides", j'avais beaucoup beaucoup aimé les deux. J'ai un tout petit peu moins apprécié celui ci, je ne dis pas que je n'ai pas aimé, mais pour moi il se situe un peu en dessous des deux autres.

J'essaie d'analyser les raisons, sans doute le foisonnement des personnages y est-il pour quelque chose, des destins croisés, des lieux différents, je trouve que l'auteur s'est un peu éparpillé, il m'est arrivé de commencer un chapitre et de ne plus savoir de qui il était question, très brièvement.
L'auteur reste un conteur merveilleux, il arrive à nous captiver avec ses mots, son vocabulaire extrêmement riche, un peu à l'image de Yasmina Khadra.

L'histoire :

Deux enfants afghans sont séparés très jeunes, Abdullah accompagne son père à Kaboul qui voulait partir seul avec sa petite sœur Pari, Abdullah sent qu'il se trame quelque chose et il a raison, son père vend Pari à une famille très riche, l'épouse ne peut pas avoir d'enfant et son chauffeur Nabi l'oncle des enfants fait une proposition, de l'argent contre l'adoption de Pari par le couple. Pari reste à Kaboul et oublie sa vraie famille, elle est si petite. Abdullah n'oubliera jamais sa sœur, la séparation est extrêmement douloureuse, déchirante pour le petit garçon. Pour justifier son acte le père dira "couper un doigt pour sauver la main." pour que cesse la faim qui tenaille souvent les estomacs de la famille.

Pari grandira entre un père qui refoule son homosexualité, chose impensable dans ce pays et une mère qui s'est mariée pour échapper à un père autoritaire, Nila la maman finira par laisser son mari victime d'un AVC, Nabi le chauffeur s'en occupera jusqu'à la fin, elle partira pour Paris avec la petite fille, ville où elle mènera une vie pas très conventionnelle, les relations entre la mère et la fille seront souvent conflictuelles.

Des années plus tard, après la chute des Talibans, Abdullah émigrera en Californie, mais il ne cessera jamais de penser à sa sœur, quant à Pari il lui restera toujours une sensation de vide, elle comprend qu'elle a été adoptée et un indicible sentiment l'habitera, quelqu'un dans le monde pense à elle. 
Ce n'est pas un conte de fée, il y a des passages terribles, poignants, la guerre en Afghanistan a laissé des enfants infirmes, cruellement touchés dans leur chair et ce sont les passages écrits pour décrire les causes de la guerre qui nous donnera l'occasion de connaître d'autres personnages de ce bouquin.

Mon avis :

J'ai aimé sans adoré la première moitié du livre, j'ai beaucoup aimé la deuxième moitié.
C'est là que Khaled Hosseini a su me toucher.

Il décrit avec beaucoup de talent les relations quelquefois difficiles d'une mère grec avec son fils qui a décidé de travailler dans la médecine humanitaire à Kaboul, les retrouvailles à la fin de la vie de la mère sont vraiment émouvantes, il écrit les mots justes, le fils tient la main de sa mère, elle n'avait jamais voulu lui tenir la main en l'amenant à l'école, on ne montrait pas ses sentiments. Il s'effondre intérieurement en pensant à tout ce temps perdu, il comprend que de toutes les façons les regrets ne font jamais revenir personne en arrière, ce qui est perdu est irrécupérable. C'est vraiment un des plus beaux passages du livre.

La maladie d'Alzheimer d'Abdullah, le placement dans une maison spécialisée, là où les portes sont fermées à clef, ces passages ne peuvent pas nous laisser indifférents. Ma fille me raconte quelquefois les visites faites à la maison de retraite pour voir sa belle-mère qui ne reconnaît plus personne, les portes sont fermées à clef, elle revient bouleversée à chaque fois. On ne peut pas lire ces mots sans penser qu'un jour peut être cela pourrait être nous. Evidemment, j'ai fini le livre en larmes, malgré les notes d'espoir à la fin, les retrouvailles d'une famille meurtrie par une guerre et par la pauvreté qui a fait qu'un père à vendu sa fille pour que les autres puissent survivre.

Il y a aussi un très joli passage, tendre, celui où le père veut faire sortir les cauchemars de la tête de l'enfant par des gestes et des petits contes et faire entrer dans sa tête que des jolis rêves, passage typiquement oriental. L'Orient a toujours su raconter des contes.

Il y a de tout dans ce livre, de l'amour, de la lâcheté, de l'injustice et le pardon d'une fille qui a sacrifié sa vie pour s'occuper de son père, elle rêvait d'être peintre mais l'éducation afghane du père ne permettait pas l'émancipation. Khaled Hosseini a su décrire ces sentiments.

Comme je le disais plus haut ma critique est que le foisonnement de personnages fait que nous n'avons pas le temps de nous attacher vraiment à l'un deux, ce n'est pas assez fouillé.
Cela reste un très beau livre, plein d'émotion. Une histoire triste et en même temps merveilleuse. Nous apprenons aussi à connaître ce pays que nous n'aurons jamais l'occasion de visiter, les livres nous font voyager.

Bye MClaire.