jeudi 23 avril 2015

"La meilleure d'entre nous" Sarah Vaughan.



Le mot régal n'a jamais été aussi bien adapté à un livre, je me suis régalée avec les mots, avec la description des gâteaux sans prendre un gramme. Un livre pour les femmes, il n'est pas interdit aux hommes, cela pourrait les aider à comprendre le mental des femmes.

Un concours de pâtisserie est ouvert à quatre femmes, Jenny, Claire, Karen, Vicki et à un homme Mike. Le gagnant aura une jolie somme et devra représenter une chaîne de magasins de luxe, un peu notre Fauchon, à la fin du concours. Elle ou il sera le nouveau visage d'Eiden, qui remplacera Kathleen Eiden, auteure de "L'art de la pâtisserie", une femme parfaite en apparence, qu'en apparence..
Seule Claire est la plus démunie financièrement, caissière elle élève une petite fille toute seule, elle aimerait tant gagner, elle est très douée, ce sont ses parents qui l'ont inscrite.
Jenny est mariée, fervente cuisinière, mère nourricière, en surpoids, elle a trois filles, son mari Nigel est marathonien, goujat il ne se prive pas de lui faire remarquer qu'elle est grosse, qu'elle devrait faire attention, la remarque n'est pas anodine, Nigel court beaucoup avec Gaby, ils s'entraînent ensemble mais pas que sur les routes..
Karen boulimique qui se fait vomir a une silhouette de rêve, elle a eu aussi une jeunesse chaotique, deux enfants, mariée à un homme riche qui ne s'occupe pas vraiment d'elle. C'est une beauté parfaite et froide et elle n'aime pas trop les confidences.
Vicky, enseignante en congé parental, élève son fils de trois ans, un mari adorable mais elle n'est pas à l'aise dans sa vie, a peur d'être une mauvaise mère, voudrait conquérir l'amour de sa propre mère en étant toujours plus parfaite.
Mike un jeune veuf a deux enfants, il a changé de vie après la mort de sa femme, il traîne son chagrin, la pâtisserie est devenue sa passion. De tous les participants c'est le plus effacé.

Les épreuves se déroulent au manoir de Bradley Hall. Des amitiés se nouent, quelques confidences, des aveux, un amour avorté, tout ça au milieu de la confection des tourtes, mille-feuilles, choux, les candidats pétrissent, la farine vole, les odeurs de vanille flottent, le blanc d'oeuf battu forme une délicieuse meringue brillante qui sera déposé sur un biscuit roulé pour confectionner une omelette norvégienne, un régal..

Chaque chapitre commence par un petit passage sur les gâteaux 
"La tarte au citron est le plus désarmant des desserts : elle constitue un mets à l'acidité rafraîchissante tout en étant par essence très riche. Le citron ravive l'appétit après un repas copieux ; pourtant très vite la sensation de satiété revient. Impossible d'avaler une bouchée de plus. L'hôtesse avisée n'en proposera que e toutes petites parts."

Grande gourmande je n'ai pu qu'apprécier ces pages, mais pas que ça, en manipulant les pâtes ces femmes prendront des décisions pour orienter différemment leur vie. Les mères sont très présentes, l'auteure en parle souvent, toujours ce désir d'éblouir sa génitrice si celle-ci n'a pas su montrer son amour pendant l'enfance, les enfants ont besoin de reconnaissance. Toujours ces relations complexes dans les familles, et cette société qui aspire de plus à plus à la perfection dans tous les domaines même si elle rend les gens malheureux.

J'ai eu plein de souvenirs qui sont revenus, les gâteaux que je confectionnais avec amour, forêt noire, fraisier, croissants, choux à la crème, tartes, j'adorais pâtisser lorsque les enfants étaient à la maison, ensuite pour mes petits-enfants, je ne le fais plus du tout. Finalement ma courbe de poids a suivi ces débauches de pâtisserie, je maigrissais lorsque plus personne n'était à la maison, je grossissais pendant les vacances. La maison est vide maintenant la plupart du temps et le sucre n'est plus permis...J'ai fait une quiche l'autre jour, j'ai fait la pâte moi-même et j'ai eu un plaisir fou à mettre mes mains dans la farine, à pétrir, un plaisir retrouvé. Les pâtes achetées à l'hyper ne sont pas comparables.

Nina Companeez la réalisatrice de beaux feuilletons à la télé est morte dernièrement, il me restera toujours en mémoire "Les dames de la côte" le passage où Edwige Feuillère savoure une brioche tiède avec une tasse de thé.

Un roman à lire, je vous le conseille, je l'ai dévoré comme un chou débordant de crème pâtissière.  Bye MClaire.

vendredi 10 avril 2015

En poche "L'extraordinaire voyage du Fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikéa"



Mon histoire avec ce bouquin n'est pas aussi rocambolesque que ce roman, mais c'est un petit voyage entre le désir de le lire et le non-désir. 
Lorsqu'il est sorti j'étais souvent attirée par cette couverture jaune, je le prenais, j'allais l'acheter et je le reposais, décidément non, je préférais l'autre, celui qui était posé à côté du fakir, je résiste toujours aux illusionnistes. Il a peu à peu disparu des rayons et puis je ne sais pas pourquoi j'ai eu envie de lire le dernier roman de Roman Puétorlas, je n'ai pas eu une seconde d'hésitation "La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la Tour Eiffel" j'ai adoré ce livre (voir ma gazette), deuxième livre de l'auteur très réussi.
Alors pourquoi pas le fakir qui a des yeux couleur coca-cola et à qui il arrive des tas d'aventures pétillantes autant que la boisson, mais j'ai beaucoup plus aimé le livre que le coca-cola, j'aime pas le coca-cola, sauf pour soigner une gastro, ce fakir un peu filou mais qui un jour décide de devenir meilleur. 
Le roman vient de sortir en poche après une carrière incroyable dans la première version, le jackpot pour l'auteur.
C'est mérité.
Si vous êtes un peu morose, triste en ce moment allez-y, des grands moments de bonne humeur, des éclats de rire, des passages qui nous obligent à réfléchir sur le destin des clandestins "les derniers aventuriers du XXIe siècle".

L'histoire:

Un fakir décide d'acheter un lit à clous chez Ikéa, son village s'est cotisé pour lui offrir le voyage jusqu'à Paris, une seule journée devrait suffire. Le fakir s'appelle Ajatashatru Lavash
à prononcer "j'attache ta charrue, la vache" ou "achète un chat roux" ou "j'ai un tas de shorts à trous".

Le ton du livre est donné. J'adore cet humour, ça me fait toujours beaucoup rire.

Il n'a pas un sou en poche mais sait faire des tours de passe-passe, un seul billet de 100 euros imprimé que sur une seule face.
Il fera la connaissance de Marie chez Ikéa, Marie qui tombera amoureuse de lui au premier regard et qui lui filera son numéro de téléphone.
Le fakir enturbanné et avec une grande moustache s'enfermera dans une armoire chez Ikéa pour échapper aux vigiles et à partir de là de folles aventures l'attendront, il ira en Angleterre, à Barcelone, à Rome, en Libye sans jamais connaître les villes où ses avions se sont posés.
Il rencontrera pendant son voyage vers l'Angleterre un groupe de clandestins, il y a de très belles pages sur ces hommes prêts à tout pour atteindre ce qu'ils pensent être l'Eldorado.
Je ne vais pas résister à retaper ce passage, celui qui m'a beaucoup émue :
"Eux, ils avaient tout abandonné pour se rendre dans un pays où ils pensaient qu'on les laisserait travailler et gagner de l'argent, même s'il fallait pour cela ramasser la merde dans les mains. C'était tout ce qu'ils demandaient, ramasser la merde avec les mains, du moment qu'on les acceptait. Trouver un travail honnête afin de pouvoir envoyer de l'argent à leur famille, à leur peuple, pour que les enfants n'aient plus ces ventres gros et lourds comme des ballons de basket, et à la fois si vides, pour qu'ils survivent tous sous le soleil, sans ces mouches qui se collent sur vos lèvres après s'être collées sur le cul des vaches. Non, n'en déplaise à Aznavour, la misère n'était pas moins pénible au soleil.
Pourquoi certains naissaient-ils ici et d'autres là? Pourquoi certains avaient-ils tout et d'autres rien? Pourquoi certains vivaient-ils, et d'autres toujours les mêmes, n'avaient-ils que le droit de se taire et de mourir ?"

Tous les maux de notre société, de notre monde sont dans ces mots. 

Mais très vite nous pouffons de rire parce que l'auteur écrit toujours la phrase percutante qui divertit. Le passage avec la grande Sophie Morceaux est aussi hilarant. Le taxi-gitans une belle tranche de rire, la famille Gustave Palourde, le gendre Tom-Cruise Jesus, mais où est-il aller chercher tout ça?

L'histoire finira bien évidemment, c'est comme un conte, il retrouvera Marie sa poupée de porcelaine.

Vous avez peut-être déjà lu ce bouquin, moins frileux que moi à sa sortie, mais si la réponse est non, foncez l'acheter en poche, 7 euros 30 pour vous donner du bonheur, ce n'est pas cher, moins cher qu'une place de cinéma et ça dure plus longtemps.

Je vais lire "La meilleure d'entre nous" de Sarah Vaughan, je ne connais pas l'auteure et je n'ai pas entendu parler du livre qui vient de sortir, mais je pense que je vais aimer.

Bye MClaire.




mercredi 1 avril 2015

"Je viens" d'Emmanuelle Bayamack-Tam."


J'ai lu la dernière page tout à l'heure, j'ai essayé de faire durer mon plaisir mais page après page un livre se termine toujours. J'ai beaucoup aimé. J'avais été un peu déçue par les deux livres lus avant celui-ci, c'est oublié.

Ce roman est un mille-feuilles, une feuille d'humour, une feuille d'amour, une feuille de haine, une feuille de rancoeur, une feuille sur la décrépitude des "vieux", une feuille de racisme, une feuille sur la bienveillance, une feuille sur les souffrances de l'enfance etc...
Une belle écriture exigeante dans le choix des mots.

L'histoire :
Charonne une petite fille métisse qui a cinq ans est adoptée par Gladys et Régis, sa mère biologique l'a jetée dans une benne à ordures, Gladys ne peut pas avoir d'enfant.
Au bout de quelques mois ils se rendent compte qu'ils ne pourront jamais aimer cette enfant qui ne correspond pas à leur idéal. Ils décident de la rendre, mais Charonne se montre tellement tendre devant la juge qu'ils ne peuvent que la ramener chez eux,
"J'attrape leurs mains respectives, celle de Gladys cramponnée au bord de la table et celle de Régis mollement posée dans son giron, puis sous l’œil expert en amour filial de Mme la directrice, je les porte à mes joues rebondies."
à la grande joie de Nelly la grand-mère, mère de Gladys, qui s'occupe beaucoup de Charonne pendant que ses pseudo- parents se baladent dans le monde entier, la petite fille et la vieille dame s'entendent à merveille sous les yeux dépités de Gladys qui hait Charonne, elle est trop noire, trop grosse, déteste ses fesses énormes qui sont dignes d'une Vénus hottentote ; elle la trouve calculatrice, rusée.
Il y a aussi le grand-père raciste, le deuxième mari de Nelly, Charlie qui est le père de Régis, il amène Gladys avec lui dans des bars qui regorgent de vieux racistes, Charonne se tait en entendant toutes sortes de qualificatifs, leurs sarcasmes, la petite fille sait se protéger de l'hostilité des autres. 
Tout le monde vit sous le même toit, dans une très belle maison à Marseille, grands-parents, parents, Charonne.

Charonne se déplace dans cette maison avec légèreté, en côtoyant tous les objets précieux glanés chez les antiquaires, la maison regorge de trésors, certains seront la proie du fils de la domestique Philippine et Gladys accusera Charonne.

Ce livre est composé de trois parties, trois femmes parlent.
Charonne, Nelly, Gladys
.
Nelly a été une star du cinéma, deux fois mariée mais très peu mère, elle sera beaucoup plus aimante avec Charonne qui est sa petite-fille sans l'être.
Nelly voit Charlie s'enfoncer chaque jour dans sa démence sénile et Charonne est un soutien.

Gladys est pleine de rancoeur, égoïste, cynique, jalouse, elle pense avoir formé avec Régis le couple parfait loin des turpitudes du monde, ils visitent des monastères à la recherche d'une vie loin des biens matériels, loin des autres.
Ils partent au Bouthan six mois par an à la recherche du bonheur éternel.

Charonne est la bienveillance incarnée mais incomprise. Une belle énergie dans cette maison où les habitants sont en train de se décomposer entre la haine et l'amour. Elle est vivante et certains humains n'aiment pas les gens vivants, ils les renvoient à leur incapacité d'être heureux.

J'ai relevé quelques passages :
"L'un des grands avantages de la négligence parentale, c'est qu'elle habitue les enfants à se tenir non négligeables. Une fois adultes, ils auront pris le pli et seront d'un commerce aisé, faciles à satisfaire, contents d'un rien. A l'inverse, ceux qu'on aura élevés dans le sentiment trompeur qu'ils sont quelque chose multiplieront à l'infini les exigences affectives, s'offusqueront au moindre manquement et n'auront de cesse qu'ils ne vous pourrissent l'existence. Faites le test"

Charonne qui n'est pas désirée par ces parents d'adoption, fera tout pour se faire aimer, elle sera "d'un commerce aisé".

Gladys, toujours insatisfaite, aigrie :

"Mon père m'a tuée, mais c'est ce que font tous les pères. Mon père m'a tuée, mais ma mère avait commencé avant, et comme je ne suis pas morte, on a bien le crime parfait (...)."

«Je ne veux ni de son plan de sauvetage, ni de son mode d’emploi, et la vie de toute façon, je ne saurais qu’en faire, sauf à la recommencer du début.»

Nelly :
"Mais autant que ça se sache et que les jeunes générations soient averties : rien n'y fait. Avec un lifting, on a l'air d'une vieille au menton pointu, avec le Botox, on a l'air d'une vieille au front lisse.
"Mon Dieu, mon Dieu, ce qu'on devient! Qui pourrait croire que j'ai été si belle en voyant aujourd'hui mes fanons ballottants, mes yeux presque dépourvus de cils et la mousse éthérée de mes cheveux.."

J'ai aimé moyennement les passages où un fantôme s'installe dans le bureau, sur l'ottomane, la nuit il hante cette pièce dans des volutes bleues, c'est là que Charonne le rejoint, il lui apprend à lire. Ce n'était pas indispensable. Charonne adore lire.

Voilà, je vous conseille ce roman qui traite avec talent des blessures de l'enfance, des mauvais mères, des familles recomposées et de la nécessité d'être heureux au bon moment pour ne pas avoir de regrets.

Bye MClaire.