jeudi 24 septembre 2015

Un parfum d'herbe coupée. Nicolas Delesalle.




J'ai fini ce livre tout à l'heure, je l'ai commencé à La Rochelle et je n'avais pas le temps de le finir, festival de scrabble oblige. J'ai lu une grande partie dans la voiture en revenant et toujours avec le sourire, le vrai sourire et le sourire un peu nostalgique, vous connaissez, celui qui laisse la bouche fermée, les coins qui s'étirent, l'air attendri.
J'ai acheté ce roman par hasard, je fouillais dans les bouquins chez Easy-Cash, il était en vente, publié en 2015, tout neuf, le titre me plaisait, nous avons tous le souvenir du parfum de l'herbe coupée.

Nicolas Delesalle a 43 ans, journaliste, grand reporter. Son enfance n'a pas été envahie par internet, les tablettes, Facebook, il fait partie d'une génération qui regardait la télé à plat ventre sur le tapis, les mains sous le menton, regarder la télé en famille était normal, il n'y avait pas un choix infini des chaînes, les discussions étaient vite closes. Cela situe l'ambiance du livre.

"Kolia" c'est Nicolas, sa mère est russe et tient à arroser ses racines régulièrement, son père est pétri d'une éducation sud-américaine, une famille un peu atypique pour leurs trois enfants, Kolia a deux soeurs plus âgées que lui, il observe avec attention l'évolution de ces deux filles, l'enfance puis l'adolescence et tous les bouleversements physiques, les parades amoureuses.
Les vacances dans une maison de famille, la Charente-Maritime, les départs en 1982 dans une GTS qu'il aurait voulu GTX, en compagnie des animaux de la maison, de ses soeurs qui font "la gueule" comme souvent dans la préadolescence :
"Les adultes font souvent mine de s'étonner du désespoir baroque des adolescents, mais cet étonnement est un leurre, ils n'y croient pas eux-mêmes ; au fond, ils savent très bien à quel point c'est compliqué de se relever quand on tombe de son enfance".
Les premiers émois, la première fille qu'il embrasse sur la bouche, Inès ferme les yeux et lui ouvre la bouche comme un poisson rouge "Le premier baiser demande l'intrépidité du premier pas sur la lune" Il faut tourner la langue dans quel sens? Cela doit bien vous rappeler quelque chose, qui n'a pas eu peur de ce premier baiser? La découverte de la sexualité, beaucoup plus brutale pour un garçon que pour une fille, ils doivent assumer.
L'influence des copains. Les blessures, les départs du grand-père puis de la grand-mère, d'un copain mort dans un accident de voiture, les parents qui parlent trop fort un soir sans se douter que Nicolas écoute, les naissances de ses filles,  la vie quoi.
J'ai aimé le personnage de Totor le charentais, le jardinier, la France paysanne, celle qui n'utilisait pas encore les pesticides, cet homme qui se préoccupait seulement de son présent. Totor ne buvait jamais d'eau "ça fait rouiller les canalisations", c'est lui qui fera connaître à Nicolas le coin où les cèpes poussent, un secret jamais divulgué, l'enfant sera éternellement reconnaissant.
Le chien Raspoutine qui accompagne toute l'enfance et qu'il faudra un jour euthanasié, un morceau de l'enfance qui s'évapore.

L'auteur a écrit des chapitres courts sans chronologie, il a écrit ce livre pour une arrière petite-fille imaginaire Anna, il y a de l'humour, de l'émotion,beaucoup de tendresse, une jolie petite musique que nous connaissons, ce sont les années de jeunesse de nos enfants. Une époque révolue qui vous rendra nostalgique mais sans amertume.

On ne peut qu'aimer ce livre, je vais le prêter. Bye MClaire.




dimanche 13 septembre 2015



J'ai découvert la gouaille de cet auteur, son écriture imagée, j'ai découvert certains aspects de l'Afrique, une Afrique attachante mais brutale, un pays où tous les moyens sont bons pour survivre, où plus rien n'est étonnant, le fétichisme est très présent, j'ai aimé, beaucoup aimé lire ce livre prêté par Michelle après une séance de scrabble.

L'histoire se déroule dans la ville portuaire du Congo Pointe-Noire. Un orphelinat où vit Tokumisa Nzambe po Mose yamoyindo abotami namboka ya Bakoko, ce qui signifie en lingala "Rendons grâce à Dieu, le Moïse noir est né sur la terre des ancêtres". Pour simplifier ses camarades l'appellent
Moïse.
Un prêtre un peu original se rend à l'orphelinat chaque week-end, papa Moupelo les fait chanter, imite la grenouille, les fait rire, ses visites sont attendues avec impatience, il leur fait oublier les punitions, les coups, les brimades. Moïse a un ami, un vrai, Bonaventure qui rêve qu'un avion un jour atterrira tout près pour l'amener ailleurs.
Le directeur Dieudonné Ngoulmoumako est un tyran, l'orphelinat subit ses colères, c'est aussi une girouette qui agit en fonction de qui dirige le pays. Un jour le Congo passe au régime socialiste, l'orphelinat aussi, papa Moupelo ne reviendra plus, la religion est exclue, Moïse "petit piment" perdra celui qu'il affectionnait. Il s'évadera avec des jumeaux qui étaient devenus les chefs de bande, cruels, voyous, voleurs.
Au cours de cette vie vagabonde dans les quartiers dangereux de Pointe-Noire, il fera connaissance de Maman Fiat 500, une mère maquerelle adorable, elle le nourrira et il finira par vivre au milieu des 10 pensionnaires, jusqu'au jour où la démence s'emparera de lui après la disparition de Maman Fiat 500 et de ses filles, il fallait purger la ville, le maire est responsable et Petit Piment  " a perdu ses compléments circonstanciels" mais il n'a pas tout à fait perdu le nord, il se vengera....

Michèle Briand a adressé un mail, elle a vécu en Afrique et venait juste de terminer ce bouquin, j'ai fait un copier-coller :


Bonjour, Marie-Claire
Je viens justement d'acheter et de finir ce livre qui pour moi a une saveur toute particulière car c'est à Pointe-Noire que j'ai vécu 6 ans de 1992 à 1998. J'ai adoré, puisque je pouvais imaginer toutes les scènes, connaissant tous les endroits dont il est question dans le livre. J'ai bien aimé la façon d'écrire et aussi  de décrire la vie africaine, avec beaucoup de réalisme. C'est vrai que quelques africains déambulaient en ayant complètement perdu la tête comme le héros à la fin du livre. Je me souviens d'un efflanqué, arpentant nu les rues de Pointe-Noire, un autre avec des casseroles attachées partout et tout ça dans l'indifférence générale, même la nôtre à force de les voir. Ce livre m'a replongée 17 ans (déjà) en arrière. J'ai aussi acheté "lumières de Pointe Noire"
 du même auteur."

J'ai souvent souri en lisant certaines expressions, j'ai été émue en découvrant toute la misère de ces quartiers, j'ai vraiment ri en découvrant certains passages. J'ai surtout beaucoup appris, l'Afrique, ce continent inconnu.
Ce qui est réconfortant : dans cet univers brutal il y a toujours quelques personnes qui font du bien, l'homme n'est pas complètement mauvais.
Je vous encourage à le lire si vous aimez découvrir d'autres civilisations. Un livre très bien écrit, un auteur à suivre.

Bye MClaire.







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vendredi 4 septembre 2015









J'entendais et je lisais partout qu'il fallait absolument lire ce bouquin de Christine Angot, qu'il marquait la rentrée littéraire, j'ai cédé à cet engouement des médias et j'ai bien fait.

J'ai lu un de ses romans mais il y a longtemps, je ne me rappelle même plus du titre, je n'avais pas dû être emballée, puis plus rien, je la trouvais un peu compliquée, nombriliste, agressive, en lisant ce roman j'ai compris. J'ai comme ça des écrivains que je refuse de lire, Amélie Nothomb par exemple, peut être à tort.

L'histoire de ce roman autobiographique se déroule en grande partie à Châteauroux. Nous connaissons très bien cette ville, La Châtre où nous sommes restés presque 20 ans,  se situe à 30 km, c'est le Berry de George Sand, Châteauroux est une ville quelconque, sans âme, la seule attraction à mon époque était les Nouvelles Galeries.
Je reconnaissais la description faite par C.Angot de cette ville de province à la fin des années 50, sa mère travaillait à la Sécu, rue Jacques Sadron, j'ai souvent écrit cette adresse sur des enveloppes avant la carte Vitale. 
J'ai reconnu la cité St-Jean, le Poinconnet et sa forêt, le muguet au printemps, les vieux quartiers et l'Indre qui coule au bout du chemin.
Autant dire que ce livre m'a tout de suite intéressée, dès les premières pages, mais ce n'est pas le principal sujet de ce roman bouleversant. 

Le sujet est l'amour immense d'une mère pour sa fille et d'une fille pour sa mère. Le père n'est pas là ou si peu là.
Rachel Schwartz la mère de C.Angot est élevée par sa mère, le père a aussi disparu sans laisser d'adresse, il fait quelques réapparitions, mais il n'assume pas son rôle de père. Rachel travaillera à la Sécu et fera la connaissance de Pierre Angot au cours d'une soirée, une passion folle, de beaux moments mais tout est dit dès le début, il ne l'épousera pas, elle ne connaîtra pas sa famille, il est issu d'un milieu aisé, elle non "Si tu avais été riche, j'aurais peut être pu" dés le départ les choses sont dites, ainsi il se dédouane si tout se terminait, il l'avait prévenue. Elle veut un enfant de lui, il accepte mais sans vouloir s'en occuper. Christine naîtra dans une clinique de Châteauroux, en présence de la mère de Rachel et d'une amie.
Pierre est reparti à Paris, puis il travaillera à Strasbourg, il verra sa fille Christine lorsqu'elle avait cinq mois pendant une journée, puis plus tard lorsqu'elle aura quatre ans, le jour de l'accouchement un simple télégramme "Désolé, matériellement impossible venir aujourd'hui. Pierre"
Rachel veut croire que tout est encore possible, elle l'aime, comment expliquer l'amour. Mère célibataire à Châteauroux dans ces années-là n'était pas facile à vivre.
Christine Schwartz deviendra Christine Angot beaucoup plus tard.
Mère et fille vivront une vie fusionnelle, la plus heureuse possible ensemble dans ce vieux quartier de la ville où tout le monde se connaît, jusqu'à la mort de la grand-mère, ensuite elles iront vivre dans la cité St-Jean, elles s'adorent, ne se quittent pas et Christine adore faire des "bibis complets" à sa maman, ceux qui commencent par le front et se terminent entre les deux oreilles, c'est une gentille petite fille, intelligente :
-Tu sais parfois j'ai l'impression d'être un petit paquet.
-Un petit paquet? Comment ça un petit paquet ?
-Ben, un petit paquet ! Un petit paquet que tu emportes avec toi, et que tu tiens par une ficelle.

La suite sera beaucoup plus compliquée, le père refait son apparition, il se passera le pire et il faudra du temps à C.Angot pour pardonner à sa mère qui n'a rien vu ou qui n'a pas voulu comprendre, une période où tout devait semblait normal, on ne devait rien dire. Le mot maman sera de nouveau prononcé beaucoup plus tard, lorsqu'elle pardonnera.

C'est aussi un roman sur la différence des classes, la supériorité de l'un qui considère l'autre comme une "merde" qu'il peut écraser à tout moment, qui fait perdre confiance 
Christine dit à sa mère :
-Chaque fois que tu as avancé un pion sur l'échiquier, il a trouvé un moyen pour te faire reculer.
Rachel est à moitié juive, il ne manquera jamais de lui rappeler dans leurs conversations.
De la perversité. J'ai pourtant trouvé le personnage de Pierre inintéressant, petit malgré sa soi-disant culture, mais l'amour que lui porte Rachel lui fait croire qu'il est important, il a besoin de cette jolie fille qui l'admire à son bras pour se sentir important. A t-il eu besoin de violer sa fille pour se sentir exister?
"C'était peut-être un interdit fondamental, mais ça ne le concernait pas. Pas lui. Comme s'il n'était pas mon père et que je n'étais pas son enfant. Il était au-dessus de ça, au dessus de toi, de nous, et des règles sociales d'une manière générale".

Les dernières pages sont magnifiquement écrites. Ce sera la réconciliation entre une mère et sa fille.

Ce roman est poignant, lumineux, des parts d'ombre, une belle écriture, brève, sèche à certains moments, lorsque les sentiments sont absents, une fureur contenue.
J'ai lu ce livre assez vite, je ne pouvais pas le poser. 217 pages passionnantes.

Vous avez compris, j'ai beaucoup aimé.   Bye MClaire.