vendredi 24 novembre 2017

"Bakhita" Véronique Olmi.




Magnifique, bouleversant, j'étais étranglée par l'émotion, il m'arrive d'avoir des larmes qui coulent en lisant mais là si je ne m'étais pas retenue j'aurais pu éclater en sanglots, je serrais les dents. 
Véronique Olmi a écrit le plus beau de ses livres. L'histoire vraie de Bakhita, ce n'est pas tout à fait une biographie, ce n'était pas possible mais elle a dû certainement passer un temps fou dans ses recherches pour raconter la vie de cette petite fille razziée à sept ans dans un village du Darfour. Une petite fille arrachée à ses parents, à sa soeur jumelle, à sa famille, par des marchands d'esclaves sans foi ni loi.

Bakhita est une petite fille presque heureuse qui chante, garde les vaches, va chercher de l'eau au ruisseau, elle fait ce que nous avons tous fait lorsque nous étions enfants, elle imagine, joue, invente des histoires, insouciante malgré une première alerte lorsqu'elle avait cinq ans, des hommes étaient venus brûler le village, des hommes qui enlevaient enfants, femmes, hommes pour les vendre comme esclaves, Kishmet sa grande soeur qui avait déjà un bébé a été enlevée, les hommes ont semé la mort dans le village et sont repartis en ne laissant que cendres, odeurs des corps brûlés. Des habitants se sont cachés.
Nous sommes en 1876.
A sept ans Bakhita ne va jamais seule mener les vaches à la rivière, la méfiance règne, cela ne suffira pas, les prédateurs seront là.... Esclave à sept ans, elle subira les pires horreurs, battue, affamée, violée plus tard, sera vendue cinq fois, servira de jouets aux filles de son dernier maître, sera scarifiée pour plaire aux invités, tatouée au rasoir dans d'atroces souffrances. Le Soudan est en guerre, les Turcs fuient, l'Italie est là, le Consul est un homme doux, il veut amener Bakhita avec lui en Italie pour l'offrir à sa femme, elle sera sa domestique. Ils prendront le bateau à Suakin...
Elle affrontera les regards des habitants, un diable noir, ils n'ont jamais vu de femme si noire, comment peut-elle ressembler aux autres ? Une lutte permanente pour se faire adopter. Les enfants auront peur, lui jetteront de l'eau pour voir si le noir déteint, mais ses plus beaux moments seront ceux qu'elle passera avec eux.
Comment garder toute cette humanité lorsque les hommes sont si cruels ?

L'esclave sera béatifiée et canonisée, Jean-Paul II la déclarera sainte. Toute une longue histoire à lire avant ce dernier épisode, un récit passionnant qui traversera l'Histoire, les guerres de 14 et 40, la montée du fascisme, Mussolini et ses chemises noires.

Je n'ose même pas employer le mot "aimer" pour dire combien cette histoire m'a émue. On aime ce qui est beau, nous ne pouvons pas "aimer" l'histoire d'une enfant soumise aux hommes, nous ne pouvons qu'être bouleversés par la souffrance de cette femme qui toute sa vie a essayé de se rappeler de son prénom, d'imaginer sa mère, son père, ses soeurs et qui ne savait pas où elle habitait lorsqu'on lui montrait une carte de l'Afrique. Une femme d'une force exceptionnelle qui n'oubliera jamais les chaînes qui l'entravaient, toute sa vie elle se consacrera aux autres, aux plus démunis, aux plus pauvres.

Il y a l'histoire de la foi, on peut ne pas croire, repenser à l'évangélisation de l'Afrique par les missionnaires qui constataient la misère sans agir, leur but baptiser, mais la foi de Bakhita est si pure, ce sont des vrais moments de grâce, un immense amour pour celui qu'elle appelle "El Paron"


.

Il ne faut surtout pas oublier que l'esclavage est toujours d'actualité dans le monde, des hommes, des femmes sont vendus, soumis à la violence des hommes.

L'écriture de Véronique Olmi est belle, des phrases courtes qui nous transpercent, une écriture remarquable. Lisez ce livre.
Il faut que je remercie Michelle qui me l'a prêté avant de le lire !

Bye MClaire.





vendredi 17 novembre 2017

Les fabuleuses tribulations d'Arthur Pepper" de Phaedra Patrick






Phaedra Patrick est anglaise, elle boit du thé comme le personnage de son livre Arthur, mais peut être pas à heure fixe.

Si je devais résumer ce livre en un seul mot, ou plutôt en deux mots : générosité et tendresse.
Arthur est veuf depuis un an, après quarante années de mariage sa femme est morte, quarante années d'amour fusionnel, ils se satisfaisaient l'un de l'autre, les enfants étaient partis, une vie faite de plaisirs simples.
Ils se sont mariés par amour, Arthur n'avait jamais connu de femme avant Miriam et il est persuadé qu'il avait été son unique amour.
La vie sans Miriam n'a plus la même saveur, il se calfeutre dans la maison pour échapper aux visites de sa voisine Bernadette qui s'est mis en tête de le le gaver de tourtes, de tartes et surtout de le divertir un peu. Elle sonne avec force, il ne répond pas, il ouvre sa porte rarement.
Il se contente de boire son thé à heure fixe et de s'occuper de la plante verte que sa femme aimait beaucoup. Ses enfants, Lucy et Dan se sont éloignés de lui, Dan est en Australie, la communication avec son père n'a pas toujours été simple, et Lucy se débat avec ses propres problèmes.

Au bout d'un an, il doit se résigner à se débarrasser des affaires de sa femme qui sont toujours dans la penderie, il le fait le jour de l'anniversaire de sa mort, et là surprise, dans une de ses bottes il découvre un bracelet où pendent des charmes, des breloques. Un très beau bijou.
Il ne connaissait pas ce bijou, un éléphant serti d'une pierre précieuse est le voisin d'une palette de peintre, d'une fleur, d'un livre, d'un dé à coudre, d'un tigre, d'un coeur et d'un anneau. Autant d'énigmes qu'il ne comprend pas, jusqu'au moment où il aperçoit un numéro de téléphone sur la queue de l'éléphant, il prend sa loupe et lit "Ayah 0091 832 221 897" l'indicatif de l'Inde depuis le Royaume-Uni, 40 ans après le numéro est toujours actif, est-ce possible ?.
Débute une folle histoire après l'appel d'Arthur, il découvre que Miriam avait été nounou en Inde dans une riche famille. Il est abasourdi et décide de résoudre toutes les énigmes des charmes. Lui qui n'était jamais allé très loin de York va se retrouver dans les pattes d'un tigre, dans la maison d'un écrivain atteint d' Alzheimer, à Paris dans une boutique de robes de mariée, il posera nu dans une école de peinture, bien malgré lui .....et découvrira à chaque fois un pan de la vie de Miriam qu'il ignorait complètement.
Comment ne pas se poser des questions sur leurs relations après toutes ces révélations ? Comment ne pas s'interroger sur sa façon d'être avec ses proches ? C'est aussi un peu un livre initiatique qui nous fait aussi penser à notre vie lorsque nous sommes dans son dernier tiers, les enfants, la façon de la vivre le mieux possible dans les dernières années, ne pas tomber dans la routine.

Bernadette sa voisine est un personnage attachant, elle se révélera indispensable à Arthur lorsqu'il rentrera chez lui et il sera celui qui recevra les confidences de Nathan 18 ans, fils de Bernadette, une sorte de grand-père adoptif. A cet âge, on se confie quelquefois plus facilement à des inconnus qu'à sa propre mère.
Je vous laisse découvrir la suite de l'histoire.

J'ai aimé lire ce bouquin, certainement pas inoubliable mais il m'a fait passer des bons moments, j'ai eu de temps en temps les yeux humides, les pages qui racontent l'anniversaire d'Arthur sont émouvantes, ses deux enfants sont là, ils sont enfin réunis, Bernadette et Nathan son fils aussi, il y a même les voisins.
Une merveilleuse fête familiale.
Les belles rencontres avec des inconnus, la générosité de certains, des beaux sentiments. Quelle est notre vision du bonheur ?

Le livre est publié en livre de poche.

Après "Fief" qui était plutôt dur mais beau, un livre écrit simplement me convenait. Je vais entamer le dernier bouquin de Véronique Olmi "Bakhita".

Bonne lecture.  Bye MClaire.



dimanche 5 novembre 2017

"Fief" de David Lopez









Une jolie petite "gueule" qui n'est pas trop cassée par la boxe.
J'avais lu tant d'éloges sur ce livre, j'ai eu très envie de le lire, je sentais que j'allais l'aimer, je sentais que ce livre avait été écrit dans une complète liberté. Lorsque nous aimons lire nous pouvons tout lire si le livre est bon, des passages un peu crus, des mots qui ne sont pas les nôtres, la description d'un monde qui nous est complètement étranger, avec ses "cailleras", ses trafics, les abus, les petites combines.

David Lopez a écrit du rap et fait de la boxe, la boxe demande de la précision pour ne pas prendre des coups, ses mots sont aussi précis et ils nous atteignent aussi fort qu'un uppercut. 
Au moment où j'ai tenu le bouquin dans mes mains, j'ai dit :
-Il sera vite lu, pas trop épais.
Non, il ne peut pas être lu rapidement, les mots employés nous sont tellement étrangers, il faut s'attarder, lire doucement pour saisir toutes les nuances, je posais le livre sur mes genoux et je réfléchissais, comment arriver à comprendre ces jeunes des cités ou des banlieues désargentées ? Ils n'ont comme horizon que les tours, le petit bois près de chez eux où ils se rencontrent, le shit fumé à longueur de journée, les cartes, les copains d'enfance. Un avenir sans horizon.

Jonas, le personnage principal, est né dans une zone pavillonnaire située entre ville et campagne. Le père est une ancienne petite gloire locale du foot, mère absente. Jonas boxe, s'entraîne dans un lieu miteux. Monsieur Pierrot voudrait faire de lui un champion, beaucoup pour lui, un peu pour Jonas. Le reste du temps Jonas est désoeuvré, il rencontre ses potes, Jonas parle, Jonas cache bien son jeu, beaucoup plus intelligent qu'il veut paraître. Il y a parmi eux le plus instruit qui la ramène toujours un peu, Lahuiss.
J'ai ri, beaucoup ri lorsqu'il leur parle du Candide de Voltaire, Candide cultive son jardin, eux cultivent un plan de shit. Candide raconté à la façon de Lahuiss, tordant mais on comprend tout :
"Bien plus tard donc il retrouve sa meuf, Cunégonde, sauf qu'elle a morflé vénère t'sais, parce qu'elle a eu la lèpre ou je sais plus quoi mais voilà quoi elle a une gueule toute fripée la meuf, on dirait un cookie, mais t'as vu Candide c'est un bon gars alors il la renie pas "
"Ton jardin, si tu le cultives pas, il te donnera pas à manger. ..C'est tout con c'que j'te raconte en fait. Le jardin c'est juste une métaphore pour parler de ton être, de ton esprit"
Ces jeunes ont quand même le sens de l'honneur !
 La dictée proposée par Lahuiss, tordante, ils la font tous avec plus ou moins de fautes.
"Et Céline c'est une meuf ?"

Il y a aussi Wanda, la petite bourge qui s'encanaille, Jonas en pince un peu pour elle, mais il ne se fait aucune illusion, il est habitué à ne pas avoir d'illusions, il est lucide mais jamais honteux.

Les pages écrites sur la boxe sont très belles, très précises. Je ne pouvais pas m'empêcher de penser à mon père qui adorait Cerdan, il s'était levé dans la nuit pour écouter les commentaires du match qu'il livrait aux U.S.A, la radio était dans la pièce où je dormais, je l'avais vu l'oreille collée contre le poste, il ne pouvait pas manifester, il pensait que je dormais, mais je regardais et j'écoutais, j'ai toujours cette image en mémoire dès que j'entends le mot boxe..

J'ai lu ou entendu que David Lopez voulait appeler son bouquin "L'aquarium" il a dû changer d'idée, un auteur américain David Vann avait publié un livre "Aquarium" alors le mot FIEF s'est imposé, leur fief, leur territoire.
Le livre se termine comme il a commencé.

Je vous laisse découvrir ce bouquin que j'ai beaucoup aimé, mais je dois préciser qu'il ne peut pas être mis entre toutes les mains, si vous aimez Barbara Cartland il vaut mieux éviter. Un premier bouquin très réussi.

Bye MClaire.